Tours : les pompiers boycottent le discours des élus pour exprimer leur colère

Sur internet, la vidéo est devenue virale : à la fin des célébrations de la Sainte-Barbe, le 7 décembre, les pompiers de Tours ont boycotté le discours des élus pour dénoncer leurs conditions de travail.

Les pompiers tourangeaux crient leur ras-le-bol (photo NR Julien Pruvost)

Les faits 

[Action !] 150 000 vues sur Facebook, 256 000 vues sur un premier compte Twitter, 112 000 vues sur un autre. Des milliers de retweets et de « j’aime »… La vidéo des pompiers tourangeaux boycottant le discours des élus lors de la Sainte-Barbe a fait le buzz sur Twitter. Quarante secondes qui ont fait le tour d’Internet, où l’on voit une trentaine de pompiers ramasser leur casque et quitter la cour, au moment même où le maire Christophe Bouchet débute son discours. Flottement, silence gênant, applaudissements. Sous le regard médusé des élus qui finissent par se disperser. [Coupé !]

Le contexte 

Les pompiers sont en grève depuis maintenant cinq mois. Le malaise est grand et, durant ladite cérémonie de la Sainte-Barbe, le sapeur-pompier Anthony Moreau a dénoncé le manque de moyens en Indre-et-Loire et surtout à Tours. Selon lui, il n’y a que « 82 professionnels pour assurer 11 000 interventions » !

Depuis juin 2019, ils multiplient donc les actions et sont plongés dans une grève administrative. Pour eux, la situation ne peut plus durer. Malgré les multiples demandes, « rien n’a changé » et « il est urgent de donner au SDIS37 les moyens financiers à hauteur des enjeux à défendre »

Les enjeux 

Les missions des pompiers se sont multipliées – on note une hausse de 15 % entre 2008 et 2017 –  leur champ d’intervention ne cesse également de s’élargir. Ils réclament plus de moyens, d’effectifs et de renforts. D’autant que les soldats du feu sont de plus en plus la cible de violences. En 10 ans, en France, le taux d’agressions a augmenté de 213 % d’après l’Observatoire de la délinquance et des réponses pénales. 

Le point de vue 

La situation devient urgente et tirer le signal d’alarme ne semble pas suffisant. Par cette action coup-de-poing (la cérémonie boycottée), les politiques pourraient peut-être enfin réagir.

D’autant que le geste n’a pas été orchestré par les syndicats. Anthony Chauveau, du syndicat Spasdis-CFTC confiait récemment dans la NR : « Cela témoigne du niveau d’exaspération… Les agents ne veulent plus entendre de discours politique, peu importe le parti. Ce n’était pas une attaque directe contre le maire de Tours. Ils auraient agi de la même façon, avec n’importe quel autre élu. » 

Aurélien Germain


Retrouvez également le discours des pompiers dans son intégralité : 

Carrière : 4 femmes vous conseillent

4 adhérentes de l’association Femmes 3000, 4 métiers majoritairement d’hommes, 4 parcours professionnels, 4 conseils.

Maud Mathie
« J’ai su rebondir »
Poignée de main franche, le ton sur la même veine, Maud Mathie parle de son parcours professionnel sans omettre les détails. Elle explique avec passion son métier. Cette ingénieure aide les entreprises et les coopératives à améliorer la conservation des grains dans les silos. Jeune consultante, elle conseille ces structures à réduire la présence de produits chimiques lors de la conservation et propose des solutions pour faire baisser la consommation énergétique. « Il y a aujourd’hui une pression de la société pour plus de qualité, moins de pesticides. L’écologie est de plus en plus prise en compte. » Installée en Touraine depuis peu, Maud Mathie ne fait que travailler. Elle avoue mettre sa vie sociale de côté, sans pour autant le regretter. Elle vient tout juste de monter son entreprise.
« Être une femme dans mon domaine, ce n’est pas fondamentalement gênant. C’est vrai que souvent, les dix premières minutes d’un rendez- vous, il y a un flottement. Surtout que je suis jeune. Mais dès que nous rentrons dans l’aspect technique, on me prend au sérieux. » Elle ne s’est jamais vraiment fermée de portes. Elle a bien essayé d’être vétérinaire au début, mais elle n’en a pas fait une montagne quand elle a loupé le concours d’entrée. Maud Mathie est heureuse de son métier actuel, « même si c’est parfois l’enfant pauvre de l’agriculture. » Les freins, dans sa carrière, ce sont les autres qui ont essayé de lui en mettre. « J’ai travaillé pendant des années dans une entreprise où, malgré mon âge, on me donnait de gros projets. Je crois que j’étais considérée comme la valeur montante dans mon domaine. Sauf qu’un homme qui travaillait avec moi a commencé à me harceler. Je me suis fermée des portes, j’ai perdu confiance en moi et j’ai quitté l’entreprise au bout d’un moment. Mais j’ai su rebondir. » Volontaire, de cette mauvaise expérience Maud Mathie a lancé sa propre boîte. « Pour l’instant, je dois faire des concessions sur ma vie privée, mais ce sont mes choix. »

Marina Marcucetti est devenue carreleuse. Son leitmotiv : bosser, prendre parfois une voie difficile.
Marina Marcucetti est devenue carreleuse. Son leitmotiv : bosser, prendre parfois une voie difficile.

Marina Marcucetti
« Ce que je préfère, travailler sur les chantiers »
L’évidence. La jeune ingénieure qualité en pharmacie avait déjà eu l’idée à 20 ans. Mais son père lui avait plutôt fait comprendre qu’il fallait continuer ses études. « Si j’avais été un mec, peut-être qu’il aurait réagi différemment. » Elle quitte Caen, revient s’installer en Touraine avec son fils et un but : reprendre l’entreprise de son père dans le carrelage. Marina Marcucetti passe un CAP pour la légitimité, même si elle a toujours donné un coup de main sur les chantiers depuis l’adolescence. « Au fond, mon père était heureux que le nom reste. » Compétente, la jeune femme devient chef d’entreprise. Elle a deux employés, dont son frère qui l’a rejoint un peu après. Une histoire de famille. À 41 ans, elle travaille sans arrêt, s’occupe de son fils et fait fructifier son entreprise. Marina Marcucetti paraît heureuse, comblée. « Même si je dois m’occuper de la relation avec les fournisseurs et les clients, de prospecter, je ne lâche pas le terrain. C’est ce que je préfère, travailler sur les chantiers. » Elle s’amuse de la réaction des hommes dans un monde où les femmes ne sont presque pas représentées. « Pour y arriver, il faut travailler, y aller à fond. Pourtant j’ai toujours choisi la difficulté dans mon parcours professionnel. » Sans bac, elle fait ses études avec à chaque fois une pose d’un an pour les financer. « Au lieu de trois ans, ça m’en a pris presque six. Mais comme je travaillais dans des entreprises dans mon domaine, j’ai réussi à booster mon CV. Une fois diplômée, j’ai été embauchée directement. » Aujourd’hui, elle s’épanouit dans le bâtiment, essaye de manager différemment son équipe, leur donne des libertés. Marina Marcucetti avance, travaille encore.
Marie-Anne Vivanco
« Il faut se former en permanence »
Elle a les yeux qui pétillent, déroule son parcours presque d’une traite : « J’ai fait un bac scientifique et puis je suis venue à Tours pour deux ans d’orthophonie. Ensuite, j’ai repris des études juridiques et un DEA en sciences politiques à la Sorbonne. J’ai aussi été journaliste à Ouest-France et au Télégramme. Sinon j’ai donné des cours dans un lycée agricole et j’ai été chargée de mission à la Chambre d’agriculture. En 2007, j’ai ouvert une entreprise d’électricité avec un ami et je suis élue depuis 2010 à la Chambre des métiers… » Elle s’arrête, sourit. Silence. Elle reprend : « On vous met souvent dans des cases en France, on a du mal à en sortir. On vous dirige dans un couloir qu’il faut suivre, on formate. Il faut montrer des diplômes, des validations d’acquis. On ne fait pas assez confiance. »
Pour Marie-Anne Vivanco, tout le monde peut se former au gré de ses envies. Pour ne pas se fermer de portes, toujours évoluer, il faut apprendre en permanence. « Je crois que la curiosité est primordiale. On nous confine trop facilement dans un domaine. » Elle n’arrive pas à trouver ses déclics, ce qui a fait que sa vie professionnelle a eu plusieurs trajectoires. « J’ai été élevée dans une famille de militaire, dans la bourgeoisie. J’ai vite compris qu’il existait d’autres valeurs, que je devais comprendre, sans forcément renier mon éducation mais en ne m’enfermant pas. » Marie-Anne Vivanco travaille aujourd’hui dans sa petite entreprise, donne des coups de main sur les chantiers, s’occupe de la gestion. Elle aimerait se mettre à la ferronnerie, comme ça, pour le plaisir. « Beaucoup disent qu’il faut un mauvais caractère pour y arriver, ne pas se laisser faire. Moi, je dis qu’il faut simplement du caractère. »
Vivanco
Marie-Anne Vivanco, électricienne, juriste, prof, journaliste… La formation continue incarnée.

Isabelle Rouger
« J’ai appris à faire moi-même »
Elle vit en Touraine depuis 2004, envie de quitter Paris, d’élever ses enfants en dehors de la frénésie de la capitale. Isabelle Rouger a bien essayé de proposer de bosser de chez elle, mais son ancienne entreprise n’avait pas mis en place le travail à distance. Elle postule dans une banque. Trois ans après, elle est responsable d’une équipe. Isabelle Rouger travaille dans l’informatique. « Nous ne sommes pas dans le développement mais dans les infrastructures, la mise en place de parc informatique, le dépannage des machines, nous menons également des projets de développement. » Elle aime le management, « ce qui me plaît, c’est l’accompagnement des personnes. » Isabelle Rouger est également fascinée par la technique, en général, savoir comment ça marche. « J’ai visité une usine il n’y a pas très longtemps, j’adore regarder les machines, que l’on m’explique comment elles fonctionnent. » Isabelle Rouger défie les stéréotypes, ne voit pourquoi elle ne peut pas faire elle-même. « L’autre fois, j’ai crevé à 3 kilomètres de chez moi. J’ai appelé mon mari pour lui dire que j’allais avoir du retard parce que je devais changer la roue. » Elle n’a pas pensé demander de l’aide. « Ado, je me suis retrouvée seule avec ma maman. J’ai simplement appris à faire moi-même. »