Concrete Knives : « La musique est devenue notre métier »

Ce n’est pas la cheville fracturée de Nicolas Delahaye, guitariste et chanteur de Concrete Knives, au côté de Morgane Colas, qui a empêché le groupe de monter sur la scène d’Aucard. En 2018, ils reviennent avec Our Hearts et un style toujours reconnaissable. 

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Cinq ans séparent votre premier album du second, pourquoi tant de temps ? 

Nicolas Delahaye. On est très très lent en règle générale. Mais ce n’est pas un défaut en soi. On a la liberté de faire un peu ce qu’on veut sur nos disques. On jette énormément de choses.

Morgane Colas. On ne garde que le meilleur.

N. D. Les gens attendent des choses régulières. Les normes, c’est un album tous les deux ans. Et puis je pense qu’on en avait aussi plein le cul. On a tourné trois ans non-stop. C’était éreintant. 

Il vous fallait prendre du recul. Comment expliquez-vous votre ascension ?

N. D. Avant d’aller jouer aux Trans Musicales, on avait que des démos. Le concert a été super. D’un seul coup, la musique est devenue notre métier. Ça a fait boule de neige. Les gens ont commencé à parler de nous. De fil en aiguille, il y a eu de gros festivals en 2011. On est allé à Montréal et on a rencontré le label anglais. Ça s’est enchaîné tellement vite… On enregistrait, on tournait, on enregistrait, on tournait… Ça a été dur.

Vous n’avez jamais frôlé le burn-out ?

Concrete Knives : Oh si !

M. C. On est tous devenu un peu fou. 

N. D. Ça a laissé des séquelles. 

M. C. La vie de tournée est particulière. Tu n’es jamais chez toi, tu n’as plus trop de repères. A la fin, tu ne sais plus qui tu es. 

Une de vos musiques de votre premier EP a été utilisée dans une publicité. Vous avez fait des morceaux pour le film Les Profs 2. Qu’est-ce que cela vous a apporté ?

M. C. Quand on joue « Brand New Start » en concert, certains reconnaissent. Mais je crois que les gens qui écoutent notre musique sont issus d’une génération qui ne regarde pas beaucoup la télévision. Pour ce qui est de la bande originale du film Les Prof 2, c’était vraiment une expérience à part. Cela nous a permis, pendant ces cinq ans, de se retrouver autour d’un projet sans prise de tête.

N. D. A ce moment-là, on était au cœur de l’écriture et de la composition de l’album qui était très complexe.

M. C. Quand on te commande quelque chose, il y a moins d’enjeux personnels et artistiques. Et puis ça rapporte de l’argent. Cela nous permet d’être producteur de notre musique. L’argent qu’on a récupéré, on l’a gardé pour les projets du groupe. Quand tu es un groupe indépendant, financièrement, la vie de musicien est très difficile. Tu ne vas pas dire non à un contrat qui te permet de continuer de faire de la musique.

Vous avez une puissance musicale mais aussi vocale lorsque tout le groupe se met à chanter. C’est presque un hymne que vous proposez. 

N. D. Ce sont les chansons populaires qu’on reprend dans les stades de foot. Dans notre musique, il y a quelque chose de très direct et spontané. Très peu de mots très peu de choses. Et puis il y a notre énergie qui nous appartient. Les gens le ressentent.

Chanter en anglais s’est tout de suite imposé à vous ? 

N. D. Je ne dis pas que je sais bien écrire en anglais mais une chose est sûre, je ne sais pas écrire en français. Je peux t’écrire trois phrases avec des rimes, mais les mettre en musique, je n’y arriverai pas.

M. C. Je ne suis pas d’accord avec toi, on a fait des choses genre « Anorak »…(rires) Non mais franchement, je suis sure que tu es capable d’écrire en français.

N. D. Ça ne m’intéresse pas. Je pense aussi que c’est par pudeur. C’est facile de se déguiser derrière l’anglais. J’ai vécu à travers le poids du français qui était très important. Dans mon histoire, elle est très forte. Dans ma famille, on fait très peu de fautes d’orthographe. La langue est quelque chose de précieux. C’est une forme de distinction. C’est peut-être pour ça que je n’y touche pas. Peut-être par crainte. Quand on a commencé, on faisait partie de cet élan de groupes européens qui chantaient en anglais. Maintenant, les choses ont changé. Artistiquement, musicalement, les gens se replient sur leur culture. À l’époque c’était différent. Je n’ai pas envie d’être nostalgique ou quoi que ce soit mais on était fier d’être français, de chanter en anglais et de tourner à l’étranger.