Eric Derian et la future école de BD

L’auteur de bande dessinée tourangeau vient d’être nommé à la tête de l’Académie Brassart- Delcourt. Il nous parle de cette future école de BD parisienne.

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Vous dites que c’est « la première école de BD parisienne ». En fait, c’est quoi l’Académie Brassart-Delcourt ?

L’idée, c’est de proposer une formation en trois ans à l’opposé de ce qu’enseignent les écoles d’arts appliqués. Nous, nous enseignons la bande dessinée mais aussi les métiers du livre, l’encrage, l’élaboration de scénarios. C’est illusoire de promettre à nos futurs étudiants qu’ils deviendront tous auteurs de BD. Dans la réalité, peu d’entre nous vivent exclusivement de leurs albums. Nous sommes aussi là pour apprendre aux étudiants le graphisme, l’illustration…

Pourquoi Delcourt, une maison d’édition, décide d’ouvrir cette école de BD ?
Il faudrait leur demander. Je me suis posé la question. Pour moi, ce n’est pas une question d’argent, ni de découverte des jeunes auteurs. C’est une façon d’innover pour Delcourt, qui a l’ambition de devenir un jour le n°1 de la BD en France. Et puis, je crois qu’il souhaite que le niveau de ces nouveaux arrivants augmente. Beaucoup d’éditeurs me parlent de premiers projets d’album qui se passent mal, parce que les jeunes auteurs sont mal préparés. Dans beaucoup de formations, ils ne produisent que 12 pages de BD à la fin de leur cursus. Dans la réalité, pour manger, c’est à peu près ce qu’il faut faire en un mois. C’est primordial, pour moi, que nos futurs étudiants fassent de la BD tout au long de leur formation.

Vous pensez que l’enseignement de la bande dessinée est actuellement désuet ?
Oui, désuet, c’est le bon mot. Je travaille depuis des années dans l’Atelier Pop et je vois souvent passer des stagiaires qui sont en école. Leur formation n’a pas bougé depuis les années 1970. Elles essayent de former des auteurs complets qui scénarisent, dessinent, encrent, font la couleur et le lettrage… Mais dans la réalité, la plupart des BD sont issues de collaborations entre différents professionnels.

Vous avez essuyé des critiques sur ce projet ?
Le marché de la BD, devant son apparente bonne santé, laisse de plus en plus d’auteurs galérer. Les critiques ne comprennent pas pourquoi former de nouveaux précaires. Moi, je me situe de l’autre côté de cette critique : je pense qu’en formant bien les jeunes auteurs, ils s’en sortiront mieux et les éditeurs suivront. Il y a quand même du travail.

Propos recueillis par B.R.
√ INTÉRESSÉ ?
Vous avez envie de vous lancer dans des études pour, peut-être, devenir un jour auteur de BD ? L’Académie Brassart-Delcourt recrute en ce moment les futurs étudiants. Il faut au moins avoir 16 ans et avoir envie de se lancer dans un cursus de 3 ans. L’école demande un aperçu de ce que vous faites en dessin, un CV. La lettre de motivation n’est pas obligatoire mais vivement conseillée. Toutes les infos sont sur academie-bd.fr

BONUS
On a demandé à Eric Déran 4 albums qu’il fallait lire avant de se lancer dans des études de BD.

« Je commencerais par L’art Invisible de Scott McCLoud : c’est la bible du futur auteur. Ensuite, Lapinot et les carottes de Patagonie de Lewis Trondheim, qui représente pour moi, l’essence même de la bande dessinée. Avec des moyens graphiques très faibles, naïvement, il donne des leçons sur la BD moderne. Sinon Batman : Year one parce que Frank Miller et David Mazzucchelli montrent plusieurs écoles graphiques. Enfin, Les Bijoux de la Castafiore, c’est un classique mais cette aventure de Tintin est un bijou de non-action et d’érotisme étouffé. »