Le Bibliovore : « La crise du livre, on ne connaît pas »

Valérie et Corentin Halley, ex-profs de lettres en Touraine, sont unis par la passion des livres. Ils ont ouvert depuis un an et demi une librairie bien particulière. Au 104 de la rue Colbert à Tours, Le Bibliovore vous propose pas loin d’un millier d’ouvrages d’occasion et en excellent état. Dans l’arrière-magasin, il y en a trois fois plus. Et tout cela, à petits prix : 3 euros pièce, 10 euros les quatre.

Valérie et Corentin Halley, du Bibliovore.

Quand on franchit la porte du Bibliovore, rue Colbert, on se sent d’emblée dans une librairie. Une vraie. Seule la petite odeur caractéristique du papier ancien nous rappelle que Corentin Halley, ex-prof de lettres et fils de bibliothécaire, a passé beaucoup de temps dans les brocantes après avoir quitté l’Éducation nationale.

Dénicheur de beaux et bons livres, ouvert à tous les genres littéraires, il a surfé dans les années 2000 sur une intuition et aujourd’hui, il a embarqué avec lui son épouse Valérie, dans une aventure passionnante. « Tout est transparent, dit-il. Nous achetons les livres aux particuliers. C’est au poids : 1 kilo, 1 euro. Et nous les revendons 3 euros à l’unité ou 10 euros les quatre. Nous mettons deux conditions à l’achat : que les livres soient en bon état et qu’ils ne soient pas datés, du genre guide des États-Unis de 1986, ou essai politique des années 90. »

Dans les rayons, pas mal de bonnes surprises et des associations originales : Frédéric Beigbeider est à portée de pages du poète Henri Bauchau, et Amélie Nothomb pourrait lever les yeux en direction de Vladimir Nabokov. « Merci d’exister, m’a dit l’autre jour une dame, ajoute Valérie Halley. C’est chouette, non ? »

Ouvert 4 jours par semaine

Durant l’heure et demie pendant laquelle je discutais avec les deux libraires, le magasin n’a pas désempli. Entre un couple venu vendre un sac de livres et reparti avec 7 euros dans la poche, un petit monsieur apportant cinq livres de jeunesse de sa fille (2 euros) et plusieurs acheteurs de tous âges, Le Bibliovore ne fait que des heureux.

Ouvert quatre jours par semaine (mercredi, vendredi, samedi et dimanche de 11 heures à 13 heures et de 15 heures à 19 heures), la librairie d’occasion se transforme le dimanche en festival du livre de poche. « J’enlève tous les ouvrages situés au centre du magasin et je les remplace par des Poche, ajoute Corentin. Nous participons aussi au festival des langues et là nous proposons des livres étrangers. »

La proximité, le réseautage grâce à une page facebook suivie par 5 000 fans, l’endroit aussi (« La rue Colbert permet de se garer en voiture pour déposer des livres mais reste largement piétonne ») expliquent aussi le succès grandissant.
« La crise du livre, on ne connaît pas. Nous ne sommes pas dans l’obligation d’exposer un catalogue d’ouvrages proposé par une maison d’édition. Et plus globalement, nous nous rendons compte que beaucoup de gens lisent, des plus jeunes au plus anciens. Je suis même très optimiste », assure Corentin.

Le « Tours » des bonnes affaires

Acheter, récupérer, échanger, prêter : les moyens de consommation n’ont jamais été aussi divers. Et certains ne manquent pas d’imagination pour trouver ce qu’ils recherchent.

Ceci n’est pas un catalogue ni une liste exhaustive. Non, c’est juste une petite balade dans notre ville, carnet ouvert, stylo à la main, afin de comprendre comment vous vous en sortez pour trouver les meilleurs plans et faire de bonnes affaires.

Vous, les étudiants aux petits budgets et de plus en plus mobilisés dans la lutte contre le gaspillage (alimentaire, vestimentaire) surfez ainsi sur les applications mobiles pour dénicher, même tardivement, un bon repas !

Renseigné par une étudiante en psycho, de vingt ans, experte dans ce genre de consommation, je débarque chez Sushi shop, place Jean-Jaurès. Alexandre et Youenn sont aux manettes. L’essentiel du service a été fait. Mais ils savent que dans quelques minutes quelqu’un va débarquer, téléphone en main, l’application Too good to go ouverte, pour récupérer un panier constitué de sushis et makis invendus qui auraient été jetés en fin de soirée.

« Ce panier, vendu 6 ou 7 euros, permet au consommateur de faire une économie de plus de 50 %. Et nous, nous ne jetons plus ou beaucoup moins. C’est une belle opération anti-gaspillage », expliquent-ils. Depuis Paris, Stéphanie, responsable de la communication de Too good to go est ravie : « En France, 8 millions de repas ont été ainsi sauvés et proposés l’an passé. Et en termes de déchets économisés, cela représente plus de 22 000 tonnes de CO2. »

À Tours, d’autres restaurants ou chaînes comme Starbucks coffee surfent également sur les réseaux sociaux (Facebook, Instagram) pour faire profiter des bonnes affaires en fin de service, avec de belles réductions à la clé.

Des habits au marché

L’association Active, engagée dans un programme d’insertion à travers la récupération de vêtements et la revente dans deux magasins de la ville, note également à quel point les jeunes sont de plus en plus mobilisés par les questions éthiques autour du recyclage et de l’anti-gaspillage. Arrivé au 155 rue Edouard-Vaillant, on pourrait se croire dans une boutique de fringues.

« Certes, nous permettons à des gens d’acheter à faible coût mais sachez que très souvent, nos donateurs sont aussi nos consommateurs. Quant aux plus jeunes, ils revendiquent de porter des vêtements en 2e ou 3e main afin que leur achat ait un sens », me dit-on.

 

Poursuivant mon périple, le lendemain, j’arrive au marché de Beaujardin. J’y retrouve Momo, maraîcher et vendeur depuis une dizaine d’années. Il me confirme que, même si ce n’est pas une démarche garantie à tous les coups, il n’hésite pas (comme d’autres commerçants) à donner en fin de matinée, peu de temps avant de remballer, les fruits et légumes, parfois un peu mûrs, qu’il sait ne pas pouvoir vendre. « Je fais cela depuis longtemps et je me rends compte que les gens sont de plus en plus nombreux à venir me voir… »

Si l’alimentaire et le vestimentaire sont deux gros budgets ainsi passés au tamis des bonnes affaires, nous tombons quelques heures plus tard sur Jean-Luc, amoureux, lui, des nourritures spirituelles. Habitué du jardin botanique, il n’est pas là uniquement pour apprécier l’écrin de verdure mais aussi pour récupérer un livre parmi la vingtaine d’ouvrages que compte « la boîte à livres », borne gratuite de livres d’occasion où chacun peut faire son marché.

 

Jean-Luc a récupéré un Comte de Monte-Cristo et promet d’amener un Balzac en échange, la prochaine fois. Ces bornes sont gérées par des associations (Touraine Propre-Livr’libre), des comités de quartier ou des particuliers. Regardez bien autour de vous. Sûr qu’il y en a une pas loin ! Et c’est totalement gratuit

Texte : Thierry Mathiot