Champignons : les rois de la cueillette

Hôtes de nos forêts quand l’humidité automnale est au rendez-vous, bolets, cèpes, pieds de moutons et maintenant trompettes de la mort et autres girolles ravissent les promeneurs et fins gourmets de Touraine. À consommer avec grande attention !

(Photo Adobe Stock)

Le dimanche matin, le Bois des Hâtes de Saint-Avertin est bien connu pour être un terrain de jeu idéal pour les coureurs à pied et les vététistes. Mais depuis trois semaines, une autre catégorie de bipèdes a rejoint les sportifs dominicaux. Panier à la main, ils s’enfoncent dans les sous-bois, le regard panoramique.

Les cueilleurs de champignons, puisqu’il s’agit d’eux, ont investi les lieux. « On a eu des conditions idéales, explique Didier Raas, pharmacien-mycologue, membre de Botamyco 37. Pour qu’il y ait une poussée de champignons, il faut une conjonction de trois chocs : chaud-froid, sec-pluie et jour-nuit. Après l’été qu’on a connu ainsi que la sécheresse, les conditions actuelles sont idéales. »

Didier Raas est un spécialiste-passionné mais également un homme averti des risques induits par cette activité. Et quand on lui rappelle que dans les années 1970-1980, un médecin vosgien, le Dr Bastien, s’était mis en tête de démontrer que l’amanite phalloïde était moins dangereuse pour la santé qu’un hamburger un peu trop gras, il nous arrête tout de suite. « Le professeur Bastien était un original. Certes, il a voulu démontrer qu’en mettant en place des protocoles médicamenteux précis, on pouvait manger des amanites phalloïdes, mais au final il y a laissé un rein, une partie de son foie et il est mort. » Le message est passé !

« On ne peut pas trouver de bolets ou de cèpes dans nos forêts en décembre »

D’autant qu’avec la poussée d’octobre-novembre, les cas d’intoxications ont été multipliés par dix en quinze jours. Alors si les cueilleurs, via Internet, semblent mieux informés que jamais, les accidents ne disparaissent pas pour autant. Jean-Pierre, un de ces amateurs culinaires, rencontré en lisière de bois, y va lui aussi de son anecdote. « Lorsque j’étais enfant, notre voisin nous donnait une partie de sa cueillette mais ma mère ne nous les cuisinait pas avant d’avoir vérifié le lendemain que le voisin était encore bien portant. »

L’histoire fait rire Didier Raas. « Certains symptômes très graves peuvent apparaître jusqu’à douze jours après avoir mangé des champignons. Généralement, les premiers signes sont des nausées, quelques maux de ventre et puis après une accalmie et deux ou trois jours, l’enzyme du champignon attaque le foie et le rein. C’est catastrophique. »

Jean-Pierre et quelques autres en sont pour une belle peur rétroactive. Stéphane Burdin, pharmacien dans le quartier Beaujardin, voit souvent passer dans son officine des cueilleurs venus faire expertiser leur « récolte ». « C’est au cours de la 5e année de nos études que nous apprenons à les connaître. Parfois, les gens viennent me voir, en ayant mélangé par ignorance les comestibles et les toxiques. Résultat, ils me laissent tout. Le conseil à donner consiste à cueillir les champignons qu’on connaît. Et là, c’est sans risque. »

Il y a, bien sûr, un autre moyen plus rassurant de se fournir en champignons de saison. Anne, Loir-etchérienne vivant à Bourré, nous accueille devant son étal au marché des Halles, à Tours (le lendemain, elle sera à Velpeau puis au marché Saint-Paul). Elle ne vend que des champignons et bondit quand on lui parle de notre article : « Expliquez bien aux gens qu’ils ne peuvent pas trouver des bolets ou des cèpes de nos forêts au mois de décembre ou alors c’est qu’il s’agit de champignons venus des pays de l’Est et on ne sait pas où ils ont poussé. »

En effet, car si Louise Lépine, diététicienne à Tours, nous explique que « les champignons sont une excellente source de fibres, mais aussi de protéines végétales, de vitamines B et D », ce sont aussi de véritables aspirateurs à pollution. Tous les garde-fous mis en place, la cueillette suivie d’une dégustation reste toutefois un moment divin. Et gageons que les omelettes de cèpes ou de trompettes de la mort ne sont pas prêts de disparaître de nos assiettes. Ce serait dommage.

Thierry Mathiot