Tours a d'Incroyables Talents

#EPJTMV Vous pourriez les croiser dans la rue sans les reconnaître. Pourtant, les cinq Tourangeaux que nous allons vous présenter sont très connus dans leurs domaines.

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CATHERINE BARTHÉLÉMY, médecin spécialiste de l’autisme, Légion d’honneur
Dans les couloirs du CHRU de Tours, zone pédopsychiatrique, les enfants l’appellent « Catherine ». Lunettes orange sur le nez, souriante et bavarde, Catherine Barthélémy raconte on ne peut plus sobrement son brillant parcours et ses nombreuses récompenses. Sa médaille de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale ? « Une reconnaissance. Ça veut dire que j’ai rendu service et ma vie, c’est ça. » La Légion d’honneur qui orne son col depuis 2007 ? « J’aurais pu la recevoir en tant que professeur ou en tant que chercheuse, mais non. C’est pour mon activité à l’hôpital auprès des enfants et j’en suis très fière. » Originaire de la Vienne, sa vocation de médecin est née tôt, grâce à une amie de la famille. « Elle me disait que des enfants avaient besoin qu’on les sorte de la maladie. Je ne connaissais pas encore le handicap, je ne savais pas que certains ne pouvaient pas parler par exemple. » Après une fac de médecine à Caen, elle intègre l’équipe de Gilbert Lelord à Tours, psychiatre spécialiste de l’autisme ; son « maître ». Elle-même est devenue mentore à son tour : Frédérique Bonnet-Brilhault, qu’elle a en partie formée, a pris sa place à la tête du service pédopsychiatrique et les plus de 300 publications sur l’autisme auxquelles elle a participé font sa renommée internationale.
Depuis les années 1970, Catherine Barthélémy alterne entre la blouse de médecin et celle de chercheuse. Longtemps à la tête de l’équipe « Imagerie et cerveau » de Tours, elle est aujourd’hui, à 68 ans, professeur émérite à l’université et enseigne aux « médecines » dans une ambiance estudiantine qu’elle adore, explique-telle, rieuse, à l’hôpital Bretonneau, entre dessins d’enfants et passages d’orthophonistes et neuroscientifiques. Véritable passionnée dans tout ce qu’elle fait, sa dopamine, c’est les enfants. « J’ai continué à suivre des petits que j’ai connu à 2 ans et qui en ont maintenant 25. C’est formidable. Pour certains, l’évolution a été très positive », rapporte la sexagénaire, un brin de fierté dans la voix, avant de souligner l’importance du travail d’équipe. Modeste.
Kevin Verger
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LOUIS MAURIN, Directeur de l’Observatoire des inégalités

Un institut de statistiques réputé dans tout le pays, à Tours ? Vraiment ? En pénétrant dans les locaux de l’Observatoire des inégalités, on ne pourrait pas vraiment l’imaginer. L’appartement minuscule qui sert de bureau à Louis Maurin et ses associés ne paye pas de mine. « C’est le prix de l’indépendance », explique avec un grand sourire ce quadragénaire, père de trois enfants. En fondant en 2003 l’Observatoire des inégalités avec le philosophe Patrick Savidan, Louis Maurin décide d’aller plus loin que ses articles pour le journal Alternatives Économiques. Les inégalités préoccupent depuis longtemps cet ex-Parisien. Ne manquait plus qu’un déclencheur. Un événement qui allait changer la face de la vie politique française. « Le Front national au second tour des élections présidentielles nous a poussés à faire quelque chose, c’est clair, explique-t-il. On a senti que le vent tournait et qu’il fallait remettre les faits et les chiffres au coeur du débat public. »
Le duo Maurin/Savidan va alors s’installer dans les barres d’immeubles du quartier Sanitas dans son petit appartement, pour produire des articles et des enquêtes sur la situation sociale du pays, sous tous ses aspects. Dix ans plus tard, la petite structure de Louis Maurin est devenue grande : véritable référence sur la question des inégalités en France, l’Observatoire répond présent dans les pages des quotidiens nationaux (Le Monde, Libération, Télérama), accueille 10 000 internautes chaque jour sur son site et vogue de conférences en conférences pour transmettre son message. « Au milieu du brouillard politique et des petites phrases, il faut se fier aux faits et aux chiffres. » Et ce de manière simple : l’Observatoire vulgarise l’information économique, pour qu’elle atteigne un maximum de personnes. « Je suis très fier de voir l’Observatoire cité dans les manuels de SES de ma fille. C’est la preuve qu’on a réussi à faire ce qu’on voulait. » Difficile de le contredire.
Brice Bossavie
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YVES CHAUVIN, Prix Nobel de chimie

« Plus Tourangeau que moi, ce n’est pas possible », sourit Yves Chauvin, 84 ans, ancien chercheur de l’Institut français du pétrole (IFP) et prix Nobel de chimie en 2005. Il habite en Touraine depuis une dizaine d’années, région où vit sa famille depuis des générations. Son intérêt pour la chimie est né durant la Seconde Guerre mondiale : « J’étais passionné par les explosifs », explique le primé en costume gris. Au cours de ses trente années de carrière à l’IFP, Yves Chauvin a eu l’occasion de pratiquer la chimie appliquée et fondamentale. « Ma femme m’a dit un jour que j’aurai un prix Nobel pour mes recherches, je ne la croyais pas. » Pourtant, un an après la disparition de celle-ci, il est nommé prix Nobel de chimie. « J’avais un peu peur au début, je ne pensais même pas aller à la remise des prix. » Après sa distinction, il rencontre Jacques Chirac, président de la République à l’époque. « Il a proposé de me conduire jusqu’à la gare en voiture, escorté par deux motards. Gêné, j’ai préféré y aller à pied. »
Mal à l’aise face aux honneurs, le Tourangeau reste humble, lui qui partage le Nobel de chimie avec deux homologues américains. « Le mérite va à Robert Grubbs et Richard R. Schrock qui ont trouvé une application à ma découverte sur les métathèses et ont permis d’en exploiter les caractéristiques dans le domaine pharmaceutique. » Encore aujourd’hui, il s’informe des innovations dans le domaine de la chimie et continue ses recherches, malgré son âgé. « Souvent les gens changent d’occupation à la retraite. Pas moi. Ma passion reste la même », explique-t-il en faisant de grands gestes. Dans un placard à l’entrée de son appartement, près de la cathédrale de Tours, des livres sur les prix Nobel s’entassent à côté de ses récompenses. Quand il a fait sa découverte qui lui a valu un Nobel, il a d’abord vécu l’incompréhension de ses collègues. « C’est parce que, en général, les scientifiques ont peur de la nouveauté. »
Manon Dufreix
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NUNO PINHEIRO international portugais au Tours Volley-Ball

Il était destiné à briller sur les terrains de volley. Nuno Pinheiro, le passeur portugais du TVB, est originaire d’Espinho, près de Porto, une ville côtière imprégnée par la culture du volley, dans un pays où le foot est roi. « Je me suis mis au volley pour faire comme les copains. J’avais 10 ans. » Test concluant. Six ans plus tard, Nuno passe pro au Portugal. Avant un bref exil en Italie, à Tarente, puis quatre ans passés du côté de Maaseik, le club numéro 1 en Belgique. « J’ai gagné mes premiers trophées là-bas et j’y ai également disputé une finale de Coupe d’Europe », explique-t-il dans un français parfait, teinté d’un léger accent ibérique. Il faut dire que le Lusitanien arpente les parquets de l’Hexagone depuis maintenant cinq ans. D’abord sous les couleurs de Beauvais puis de Poitiers, avant de rallier le TVB en 2012, avec lequel il a déjà remporté deux championnats, deux Coupes de France et une supercoupe. À bientôt 30 ans, le passeur est aussi un leader sous le maillot tourangeau. Et reste avant tout un latin : « Sur le terrain, je suis très expressif. Quand ça va, je le dis, mais quand ça ne va pas, je le dis aussi ! ».
Élément clé de l’une des meilleures équipes de France, le Portugais avoue pouvoir « se balader incognito » à Tours. « On aimerait que le volley soit plus médiatisé, mais c’est compliqué pour nous d’exister au milieu d’autres sports de salle comme le handball ou le basket, très populaires en France », analyse-t-il, frottant sa barbe de trois jours du bout des doigts. Du haut de son mètre 94 et de ses quelque 140 sélections en équipe du Portugal, Nuno se dit « heureux et fier » du chemin accompli en tant que sportif. Sa plus grande fierté ? « Je me souviens de tous les titres, de toutes les finales disputées avec mes clubs. Mais la qualification pour le championnat du monde 2002, où on est allé jusqu’en quarts de finale, restera quelque chose d’exceptionnel pour moi et mon pays. » Latin avant tout, on vous dit !
Julien Garrel
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ANTOINE GUERBER, créateur de l’ensemble Diabolus in Musica

Je suis un ovni dans le monde de la musique », explique spontanément Antoine Guerber, 56 ans et les cheveux tout juste grisonnants. Loin du parcours tracé des musiciens classiques, il a découvert la musique grâce à ses frères fans de Bob Dylan. « Je me suis aussi forgé une éducation musicale en écoutant la radio. Ça m’a ouvert les oreilles », plaisante le ténor originaire de Pau. Lors d’un stage de chant grégorien, auquel il participe par hasard, il a un déclic pour la musique médiévale. Il y rencontre Dominique Touron. Ensemble, ils forment Diabolus in Musica en 1992, après que le Palois se soit formé au Centre de musique nationale de Paris et au Conservatoire de Lyon. « On a décidé de s’installer à Tours pour son patrimoine historique et culturel riche », déclare le musicien d’une voix posée. L’ensemble s’en inspire notamment dans leur album intitulé Manuscrits de Tours. La formation musicale se développe et obtient, dès 1999, un Diapason d’or. « C’est à partir de ce moment là que l’on a commencé les tournées à l’étranger, en Amérique et en Europe. »
Aujourd’hui, il est régulièrement invité sur France Musique pour parler de leurs disques. « En France, la musique ancienne n’a pas la même importance que dans d’autres pays européens comme l’Allemagne ou la Belgique », alors que les plus grands ensembles sont originaires de l’Hexagone. « Ici, la plupart des gens ont encore une image poussiéreuse de la musique médiévale. Pour contrer cette impression, on met en place des dispositifs plus modernes en rajoutant du théâtre ou de la vidéo à nos prestations », insiste Antoine Guerber aux yeux bleu-gris. Il organise également des ateliers et conférences à but pédagogique afin d’expliquer la musique du Moyen Âge dès la maternelle. En 2009, le musicien décide de lancer un nouveau festival aux concerts éclectiques à Tours : Les Méridiennes. Et d’annoncer fièrement : « Cette année, on a comptabilisé 98,9 % de taux de remplissage. »
Manon Dufreix