Gastronomie – Couple de bons produits

Il y a quelques années, Agnès et Joël Deviger en avaient marre de cultiver seulement des céréales. Pour lui, ce sera la truffe. Elle a choisi le safran.

Il y a quelques années, Agnès et Joël Deviger en avaient marre de cultiver seulement des céréales. Pour lui, ce sera la truffe. Elle a choisi le safran.

Située sur une petite colline tout près de Richelieu, la ferme de Grand Mont porte bien son nom. Digne d’un décor digne d’un roman de Balzac elle surplombe une vallée. En contrebas, on aperçoit une petite forêt. La brume matinale a encore du mal à se lever. Le soleil perce à peine le ciel chargé de blanc. Les petits aboiements de Gobi, le chien truffier de Joël Deviger, fonctionnent mieux que n’importe quelle sonnette. C’est Agnès Deviger qui sort dans la cour pour voir ce qui se trame dehors.

Joël Deviger attend à l’intérieur, dans le salon. La principale activité de ce couple de quinquagénaires, ce sont la céréale et l’asperge. Mais par envie de se diversifier, et un peu par militantisme, ils se sont battus pour réintroduire deux produits que la Touraine avait un peu oubliés : le safran et la truffe.

Deux produits rares qu’ils défendent avec passion

L’histoire commence dans les années 1990. Joël milite dans les organisations locales pour utiliser moins de pesticide. Pour lui, la culture paysanne se perd. Sa génération préfère se pourrir la santé avec des produits chimiques que de prendre soin de la terre. Très vite, il va changer sa manière de cultiver le sol. Amour de la terre, respect des sols, il a aujourd’hui décidé de passer au label biologique. Il n’utilise déjà plus de pesticide depuis des années. Ce terrien passionné se lance alors dans une nouvelle passion. Pour lui, comme pour sa femme, l’agriculteur doit pouvoir se diversifier. Il plante alors des chênes mycorisés sur un terrain. Cette espèce pousse de telle façon, que ces arbres peuvent produire des truffes. Il faut juste attendre 10 ans pour récolter les premières. L’année dernière, Joël Devigier a trouvé ses premières melanos porom grâce au flair de Gobi. Quand il parle de sa truffière, il ressemble à un passionné de sport ou de modélisme. Des trufficulteurs, il y en avait encore en Touraine au XIXe siècle. Disparus pendant des dizaines d’années, l’activité est revenue dans les années 1980. Outre un climat pour que les chênes poussent, il faut posséder un sol calcaire afin d’éviter que les racines, et par la même occasion les truffes, ne soient enfouies trop profondément dans la terre. La Touraine est parfaite pour les melanos porom.

Agnès, elle, cultive le safran depuis une dizaine d’années. Cette fleur, qui recèle des pistils rouges au goût si particulier, avait également disparu dans la région. La dernière safranière remontait à 1930. Il a fallu retrouver le savoir-faire. Pour les planter et les faire pousser, pas de problème. En revanche, Agnès a dû trouver des moyens d’améliorer le rendement. Aujourd’hui, grâce aux conseils avisés d’une ancienne cueilleuse, elle se laisse pousser les ongles pour pouvoir séparer les pistils de la fleur plus facilement. Si vous lui parlez de safran en poudre, elle vous rira au nez. Les filaments à l’état naturel, une fois séché, sont beaucoup plus forts en bouche que son équivalent industriel.

Agnès et Joël Deviger font partie de ces agriculteurs qui ont très vite pris conscience de la destruction des sols, de la disparition de certaines espèces en Touraine. En plus de participer à la réintroduction du safran et de la truffe en région, Joël et Agnès Devignier se battent à leur échelle pour éviter la désertion des villages tourangeaux. « Nos campagnes se sont vidées pendant des années, explique Joël. Cultiver la truffe et le safran, ça permet aussi de travailler toute l’année pour une petite exploitation comme la nôtre. C’est un moyen, de mieux vivre pour ne pas être rachetée par les grands propriétaires peu scrupuleux. Plus il y aura de petites fermes, plus les campagnes seront attractives. »