A retenir : Super Flux et Kosmik Vortex

Chaque semaine, notre Doc Pilot national nous ramène ses trouvailles sous forme de chroniques.

Rien virgule ( Photo de Remi Angeli)
Rien virgule ( Photo de Remi Angeli)

Claudine Dumaille, Galerie Chabrier, St Pierre des corps
Enfin l’Artiste dans des volumes d’exposition à la mesure de son œuvre, une rétrospective en un voyage dans le temps, une narration de l’instant pour mieux comprendre l’avant et remonter à la source de l’inspiration. Et d’entrée, la découverte de ces noir et or, un peu de ce qui resterait si finalement la forme n’existait plus, si l’essence de l’œuvre d’une vie se réduisait au Grand Œuvre alchimique, dans le charbon la création du métal inaltérable, une réussite après avoir médité dans la trinité du Jardin d’hiver, et celle moins méditative de is it the cause. Pourtant l’humain reste omniprésent dans ses libres danseurs et ses lectures du soir, la filiation, l’implacable cercle fou dans la renaissance des gênes et leur souffle vivant. On finit dans le commencement à la manière d’une pointe du diamant fichée au sol de la vie, d’une réalisation en négatif pour comprendre que ce qui est en haut est en bas. Et je retrouve la quadrature fatale dans ce mur avec couples où le minéral se dissout dans l’humain, où l’humain devient la pierre sur laquelle s’élève une église païenne, un culte au psychédélisme. Depuis 1995 j’adore me perdre dans les rêves de cette artiste.

Festival Super Flux au Temps Machine
Un Festival réussi et raisonnable oblige à la frustration, celle de ne pouvoir tout voir et d’ainsi garder l’envie et le regret pour moteur d’une future édition. Cette année, le quotidien m’aura fait rater Richard Pinhas dont j’écoutais tant les disques dans la deuxième moitié des seventies… Au Temps Machine on repousse les portes de la perception et l’on transcende l’usage des psychotiques par l’image et le son. D’abord accueilli par le charme d’un club où Charlie O balance de l’ambient avec son orgue Hammond sous Leslie ; il est à sa manière le lien entre différentes époques, un feeling à la Booker T, à la Rhoda Scott, à la Timmy Thomas, dans un Hotel Costes nettoyé de toutes les sucreries insipides qui pourrait rendre le concept imbuvable. A la sortie, un artiste que l’on adore, un mec avec lequel on voudrait être pote pour une heure, un soir, dans un lieu à l’entrée interdite où il serait encore possible de fumer, de boire et de faire l’amour dans un coin sombre avec l’inconnue solitaire échouée sur cette île hors du temps et des modes… Je me suis ennuyé lors de la prestation de Au Nord/ Journées Blanches, avant de retrouver la came pour laquelle je suis venu ce soir, Sleaze Art, un quatuor de basses trafiquées pour bâtir un voyage dans le drame de terres où nous avons la chance de ne pas vivre ( perception subjective) : d’abord l’attente, la sensation des destructeurs qui approchent, puis le combat pour survivre, les murs qui s’effondrent, le sang, la résistance, l’équivalence des forces en présence ; elle oblige à utiliser l’atome et le concert se finit dans une dizaine de minutes de radiations auditives propres à effondrer toutes les murailles de Jericho. C’est de l’Art et c’est une Porte… Grande claque aussi avec Rien Virgule de Bordeaux pour une pièce unique et haut de gamme, une écriture dans le son et l’usage de l’outil, la sculpture de la vibration, la charge du bruit, une expérience inédite pour une aventure en clair obscur et sans temps mort. L’émotion omniprésente se glisse dans l’architecture du son, l’utilisation déviée des instruments pour en tirer des sensations inédites ; il est impossible de sortir intact de l’écoute de cette pièce. Nous sommes dans de la musique contemporaine et de l’humain, de la Vie…

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=U9EJbgLLbiw[/youtube]

Festival Super Flux au Petit Faucheux
Charlie O dans l’entrée du Petit Faucheux, fil rouge apaisant, constante pour retrouver la terre après des voyages dans l’inédit musical… Joelle Léandre & Serge Teyssot­-Gay, a priori le mariage de la carpe et du lapin entre l’ex-guitariste de Noir Désir et la mère légendaire de la musique improvisée, pour aboutir à un set furieux, intense, parfait dans la fusion des artistes, et cette fougue de paroles et de sons de la reine Joelle, la glissade des sons de Serge ; ceci peut paraître étrange mais j’ai pensé à Iggy et aux Stooges !! The Sommes Ensemble, quartet nerveux, incisif, captivant dans sa capacité à disloquer le son comme un stroboscope découpe l’image, pour peindre une musique contemporaine dans une pièce, un voyage, un ascenseur vers l’étrange, la curiosité vibratoire, un rêve. Julien Desprez est un guitariste fascinant : il repousse les limites de la technique et la fonction du jeu ; il participe à l’aventure Earthly Bird ( voir chronique du cd en fin de blog)… Au final une légende vivante, Eugene Chadbourne, prince de l’underground, complice de tant d’aventures de Carla Bley à Jello Biafra en passant par Jimmy Carl Black des Mothers (peut être le pendant américain à un Robert Wyatt), accompagné aux drums par Schroeder pour une extension de la tradition vers un autre espace, une démarche à la Captain Beefheart, du banjo et de la joie balancés en un slam surréaliste, un blues à la tristesse sublimé dans l’envie d’exposer « la différence », de l’offrir à l’auditeur sans jamais l’imposer ; en cette différence cet artiste est utile au devenir de la culture : il offre une option sauvage.

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=0hFAsyQ6H9c[/youtube]

 

Kosmik Vortex en Arcades Institute
Dernière étape des Arcades Hivernales en Arcades Institute avec l’une des aventures les plus folles bâties sur les terres tourangelles, Kosmik Vortex ou l’assemblage du chant lyrique et de guitares métals sous charge omniprésente d’une section rythmique en chenilles de Panzer. Beauté de la force, beauté de l’audace, fascination du style et maintien de l’auditeur dans un état proche de l’hypnose ; il y a du Magma dans cette dramaturgie, du Motorhead, de l’Hawkwind, de la Callas électrique propre à repousser les limites de tous les styles pour s’imaginer d’autres espaces. Visuel, sonore, inventif et démonstratif, ce concert est un numéro d’excellence, une belle claque et une remise à l’heure de pas mal de pendules pour un premier concert aussi brillant qu’une sortie de tournée. Face à ce style de concept on se demande pourquoi l’on s’obligerait à l’écoute de groupes en demi­-teinte, pourquoi l’on ne remettrait pas les pendules à l’heure histoire d’opter pour le meilleur tout simplement. Kosmik Vortex est unique et sans faille, n’en déplaise aux radoteurs et aux blasés.

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=856Ttcib6vo[/youtube]

 

Le CD de EARTHLY BIRD sur quark records/ L’autre distribution
Indéfinissable et sans étiquette possible cette oeuvre d’artistes peut s’afficher pour “du beau et du bon”, la rencontre de quatre expressions affirmées dans leurs pratiques, la collusion voire la connivence canaille de quatre possibilités « d’une île » où enfin pouvoir se reposer de toute la médiocrité ambiante, un rade de furie joyeuse et décalquée pour tenir enfin une bonne médecine pour « s’envoyer en l’air » dans le cri, le son, le souffle et le verbe. Hommage aux mots et à l’expression vocale cette cuisine assemble de la technique à de l’émotion, transcende les slameries faciles balancées sans portée vers le haut, et donne à lire une chanson de gestes contemporaine, l’expression de troubadours du nouveau siècle au mariage du jazz dans le choix des instruments à une sortes de rock alternatif bruitiste. On y retrouve des acteurs majeurs, l’excellent Edward Perraud aux percussions, l’inventif Julien Desprez à la guitare revendiquée « électrique » ( vous allez comprendre), Sebastien Coste au saxo ( et à la forte écriture), tout cela pour bâtir le canapé sonore où Benat Achiary délire de sa voix et de ses mots. Ce disque est important, d’une intensité globale, à la scène se devrait être génial, mais cela s’écoute aussi « à la maison » ( ce qui est de plus en plus rare), et il dépasse de loin le domaine des initiés du jazz, propre à sa manière à embarquer le public avide de rock intense et de chanson musclée.

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=CCsGr-f3n-k[/youtube]

Laisser un commentaire