Bob Jeudy : « Le street art à Tours en est à ses balbutiements »

#EPJTMV Comme tous les arts, le street art a ses pionniers. Bob Jeudy est de ceux-là. Il était là au tout début de l’aventure à Tours. Rencontre.

D’abord inconnu du grand public à ses débuts dans le monde artistique, Bob Jeudy se fait un nom lorsqu’il met les pieds à Paris dans les années 2000. Avec l’aide de Jean Faucheur, il tend à démocratiser l’art de rue. En 2012, il s’installe à Tours. À cette époque, la ville n’offre pas d’endroit pour peindre. Au fil des années, il parvient à obtenir des murs où des centaines d’artistes se sont succédé pour exposer leurs créations éphémères, ouvrant la voie au street art tourangeau.

Comment le street art a-t-il vu le jour à Tours ?

Je suis arrivé à Tours en 2012. À cette période, les différentes mairies qui se sont succédé n’étaient pas favorables à l’art urbain. Les artistes qui souhaitaient peindre dans la rue n’avaient pas la possibilité de s’exprimer. Le centre était très surveillé. Ils se rendaient donc aux alentours, par exemple à Saint-Pierre-des-Corps. Le premier mur d’art urbain de Tours se trouvait rue Nationale. En 2016, l’artiste franco-colombien Chanoir a exposé son travail pendant deux mois. Puis comme prévu, le mur a été détruit.

Depuis cette exposition, y a-t-il eu une évolution de ce milieu artistique dans la ville ?

Au côté de certains artistes, nous avons proposé d’autres murs dont celui du passage du Pèlerin. Pendant des années, il y a eu des oppositions. Récemment, j’ai été contacté par l’association Modulable.Urbain.Réactif (M.U.R) de Tours pour relancer le projet. Elle se compose de trois co-présidentes et de l’artiste local Drope. En septembre 2022, elles ont obtenu l’autorisation de peindre le mur du passage du Pèlerin, le troisième emplacement dans la ville. Chaque artiste expose ses œuvres pendant deux mois.

Avant Dawal, qui vient tout juste de terminer sa performance, nous avons eu la chance de voir les œuvres de Madame et de Mr Dheo. Les gens s’arrêtent et réagissent. Beaucoup font un raccourci entre le graffiti et l’art de rue, et ne s’attendent pas à voir ces types d’œuvres. Il y en a qui passent et qui trouvent cela horrible mais, le plus souvent, les passants sont agréablement surpris.

Récemment, des grandes fresques ont vu le jour à Tours, pouvez-vous nous en dire plus sur ces œuvres ?

En août 2022, la mairie m’a contacté pour réaliser deux fresques sur les murs de l’îlot Vinci, près de la gare. J’ai proposé à l’artiste lyonnais Brusk et à Drope de travailler sur ce projet. En une semaine, ils ont réalisé des oeuvres originales à l’aide de nacelles. Il y avait un thème proposé en lien avec les transports, mais les artistes étaient totalement libres de créer ce qu’ils voulaient à partir de cette idée.

De nombreux artistes ont exprimé le fait que l’art urbain tourangeau est encore trop peu développé, qu’en dites-vous?

Le street art à Tours en est à ses balbutiements. Il y a maintenant le mur du passage du Pèlerin et les fresques de l’îlot Vinci. Ce sont les débuts. Il y a deux ans, il n’y avait rien de tel. Je suis optimiste car depuis les élections municipales de 2020, la mairie est ouverte à ce genre de projets, elle a envie de s’investir. Pour moi, c’est une très bonne chose. L’art de la rue est magique. C’est accessible à tout le monde, à tous ceux qui passent par là. Dans la période peu joyeuse que nous avons traversée tous ensemble, le street art peut être un bon remède, une façon d’amener du bonheur à Tours.

Dossier réalisé par Élias Insa, Sellim Ittel, Zeïneb Hannachi, journalistes en formation à l’Ecole publique de journalisme de Tours

Photos : Mathilde Lafargue, Kelvin Jinlack